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    Cosmologie Taoïste : Mythe de la Création

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    • Le Professeur
      Le Professeur last edited by Le Professeur

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      Le mythe de la création du monde occupe une place fondamentale dans la tradition taoïste, tant sur le plan cosmologique que dans la dimension pratique et spirituelle de cette doctrine. Il ne s’agit pas simplement d’un récit originaire destiné à expliquer les débuts de l’univers, mais bien d’un schéma archétypal profondément symbolique qui informe l’ensemble de la vision taoïste du monde, de l’homme, et de sa relation avec la nature et le Tao. Pour mieux comprendre cette importance, il convient d’analyser d’abord la nature même du mythe de création dans le taoïsme, avant d’en dégager les implications pratiques et spirituelles.

      Dans le taoïsme, le mythe de la création n’est pas formulé sous forme d’un récit linéaire avec des personnages anthropomorphiques, comme on le retrouve dans de nombreuses mythologies occidentales ou moyen-orientales. Au contraire, il s’agit d’une émanation progressive et impersonnelle du cosmos à partir du Tao, le principe suprême, ineffable, antérieur à toute dualité, éternel et sans forme. Cette conception est explicitement formulée dans le Dao De Jingde Laozi, notamment dans le chapitre 42 : « Le Tao engendre l’Un, l’Un engendre le Deux, le Deux engendre le Trois, et le Trois engendre les dix mille êtres. »

      Ce passage énigmatique illustre une séquence d’engendrement cosmique dans laquelle le Tao (non-né, indéterminé, source ultime de toute chose) donne naissance à l’unité (l’Un), puis à la dualité (le yin et le yang, principes complémentaires), puis à la triade (l’interaction du yin, du yang, et du souffle vital appelé Qi), pour finalement produire la multiplicité des êtres manifestés. Il ne s’agit pas d’un acte de création délibéré, mais d’un processus spontané, cyclique et organique. Le cosmos est ainsi perçu comme le fruit d’un équilibre dynamique entre les polarités, émergeant naturellement de la vacuité primordiale du Tao.

      Loin d’être un simple cadre explicatif, ce mythe offre une structure ontologique sur laquelle repose toute la pensée taoïste. L’homme, comme toute chose dans l’univers, est issu de ce processus cosmique. Il porte en lui la trace du Tao originel, et il a donc la possibilité, voire la vocation, de revenir à cette source par un processus de désindividualisation, de purification et de force intérieure.

      Cette perspective établit l’idéal taoïste de retour à la simplicité, au non-agir (wu wei) et à l’unité avec le Tao. Connaître le mythe de la création, c’est comprendre la nature fondamentale de l’univers et de soi-même : il ne s’agit pas d’un monde créé par une volonté extérieure, mais d’un monde en perpétuelle mutation, où le changement, la souplesse, la fluidité sont des principes ontologiques. Dès lors, le sage taoïste ne cherche pas à dominer ou transformer le monde, mais à s’y ajuster harmonieusement, en cultivant l’écoute intérieure et le respect de la nature.

      Au cœur de la cosmogonie taoïste se trouve une dynamique subtile et essentielle : celle de l’évolution du Wu Ji, littéralement le "Sans-Polarité", vers le Taiji, le "Grand Pivot" ou "Ultime Polarité", qui engendre à son tour la dualité fondamentale du yin et du yang, et finalement la multiplicité infinie des êtres, symbolisée par l’expression des "dix mille choses" (wan wu). Le Wu Ji représente l’état d’avant toute différenciation, une vacuité absolue, silencieuse et inconditionnée — une potentialité pure, au-delà même de l’existence et de la non-existence. Il s’agit d’un état de non-être d’où tout peut émerger, et que l’on ne peut concevoir ni nommer pleinement, sinon par des termes paradoxaux.

      Lorsque cette vacuité entre en mouvement, elle engendre le Taiji, principe d’unité dynamique, souvent représenté par le célèbre symbole du yin-yang. Le Taiji est le moment où l’unité indifférenciée commence à se polariser : le yin (principe féminin, réceptif, obscur) et le yang (principe masculin, actif, lumineux) surgissent de cette unité originelle, en un équilibre dynamique et perpétuel. Leurs interactions successives produisent l’énergie vitale (Qi) qui anime l’univers. De ce jeu binaire naissent les Cinq Éléments (eau, feu, bois, métal, terre), puis les huit trigrammes du Bagua, structures symboliques de transformation, et enfin la myriade des formes, des êtres et des phénomènes, les dix mille choses.

      Cette séquence, de Wu Ji à Taiji, puis à yin-yang et enfin à la multiplicité, forme le fondement de la cosmologie taoïste, mais elle n’est pas seulement théorique. Elle propose une compréhension profonde de la manière dont l’univers évolue et se renouvelle constamment, tout en restant ancré dans une source immobile. Le retour au Tao implique, pour le pratiquant taoïste, de remonter consciemment cette chaîne cosmique dans le sens inverse : de la complexité vers la simplicité, de la forme vers l’essence, du mouvement vers le repos absolu du Wu Ji. Ainsi, ce modèle de création devient également un modèle de réalisation spirituelle.

      Dans la pratique taoïste, notamment dans ses courants spirituels, le mythe de la création du monde est souvent intégré dans des rituels, des pratiques et des méditations destinées à permettre au pratiquant de renouer avec le principe originel.
      Par exemple, les exercices de méditation taoïstes visent souvent à restaurer l’unité intérieure entre le yin et le yang, à faire circuler harmonieusement le Qi, et à purifier les "trois trésors" que sont le Jing (l’essence), le Qi (l’énergie) et le Shen(l’esprit). Ces pratiques reposent implicitement sur la compréhension que l’homme est un microcosme du macrocosme, et que revenir au Tao, c’est s’accorder à l’ordre naturel du monde tel qu’il a émergé du mythe cosmogonique.

      Les rituels taoïstes, qu’ils soient individuels ou collectifs, intègrent aussi souvent des invocations aux forces cosmiques nées du processus de création, telles que les divinités célestes associées aux éléments, aux directions cardinales, et aux étoiles, pour rétablir l’équilibre et la santé dans le corps et l’environnement.

      En résumé, le mythe de la création dans le taoïsme ne se limite pas à une explication de l’origine du monde, mais constitue un pilier fondamental de la vision taoïste de l’existence. Il informe à la fois la cosmologie, la métaphysique, la spiritualité, et les pratiques concrètes des adeptes du Tao. Il rappelle que l’univers est né d’un principe d’unité primordiale, que la dualité et la multiplicité en sont des expressions naturelles, et que l’objectif de la voie spirituelle n’est pas d’échapper au monde, mais d’y vivre en harmonie, en résonance avec le mouvement profond de la vie.

      Ainsi, dans la perspective taoïste, comprendre le mythe de la création, c’est comprendre le Tao lui-même, et c’est aussi comprendre la manière juste de vivre : en retrouvant, par la pratique, la voie du naturel, du simple et du spontané, qui mène invariablement au retour à la Source originelle.


      The myth of the creation of the world occupies a fundamental place in the Taoist tradition, both on the cosmological level and in the practical and spiritual dimension of this doctrine. It is not simply an original story intended to explain the beginnings of the universe, but rather a deeply symbolic archetypal schema that informs the entire Taoist vision of the world, of man, and of his relationship with nature and the Tao. To better understand this importance, it is necessary to first analyze the very nature of the creation myth in Taoism, before identifying its practical and spiritual implications.

      In Taoism, the creation myth is not formulated in the form of a linear narrative with anthropomorphic characters, as found in many Western or Middle Eastern mythologies. On the contrary, it is a progressive and impersonal emanation of the cosmos from the Tao, the supreme, ineffable principle, prior to all duality, eternal and formless. This concept is explicitly formulated in Laozi's Dao De Jing, particularly in chapter 42: “The Tao begets the One, the One begets the Two, the Two begets the Three, and the Three begets ten thousand beings.”

      This enigmatic passage illustrates a sequence of cosmic generation in which the Tao (unborn, indeterminate, the ultimate source of all things) gives rise to unity (the One), then duality (yin and yang, complementary principles), then the triad (the interaction of yin, yang, and the vital breath called Qi), finally producing the multiplicity of manifested beings. It is not a deliberate act of creation, but a spontaneous, cyclical and organic process. The cosmos is thus perceived as the result of a dynamic balance between polarities, emerging naturally from the primordial emptiness of the Tao.

      Far from being a simple explanatory framework, this myth offers an ontological structure on which all Taoist thought is based. Man, like everything else in the universe, is the product of this cosmic process. He bears within him the trace of the original Tao, and he therefore has the possibility, even the vocation, to return to this source through a process of de-individualization, purification and inner strength.

      This perspective establishes the Taoist ideal of a return to simplicity, non-action (wu wei) and unity with the Tao. Knowing the creation myth means understanding the fundamental nature of the universe and of oneself: it is not a world created by an external will, but a world in perpetual mutation, where change, flexibility and fluidity are ontological principles. Therefore, the Taoist sage does not seek to dominate or transform the world, but to adapt to it harmoniously, by cultivating inner listening and respect for nature.

      At the heart of Taoist cosmogony lies a subtle and essential dynamic: that of the evolution of Wu Ji, literally the “Non-Polarity”, towards Taiji, the “Great Pivot” or “Ultimate Polarity”, which in turn engenders the fundamental duality of yin and yang, and finally the infinite multiplicity of beings, symbolized by the expression “ten thousand things” (wan wu). Wu Ji represents the state before any differentiation, an absolute, silent and unconditional emptiness - pure potentiality, beyond even existence and non-existence. It is a state of non-being from which everything can emerge, and which cannot be fully conceived or named, except by paradoxical terms.

      When this emptiness begins to move, it generates Taiji, the principle of dynamic unity, often represented by the famous yin-yang symbol. Taiji is the moment when undifferentiated unity begins to polarize: yin (the feminine, receptive, dark principle) and yang (the masculine, active, luminous principle) emerge from this original unity in a dynamic and perpetual equilibrium. Their successive interactions produce the vital energy (Qi) that animates the universe. From this binary interplay are born the Five Elements (water, fire, wood, metal, earth), then the eight trigrams of the Bagua, symbolic structures of transformation, and finally the myriad of forms, beings and phenomena, the ten thousand things.

      This sequence, from Wu Ji to Taiji, then to yin-yang and finally to multiplicity, forms the basis of Taoist cosmology, but it is not only theoretical. It offers a profound understanding of how the universe constantly evolves and renews itself, while remaining anchored in an unchanging source. For the Taoist practitioner, returning to the Tao involves consciously retracing this cosmic chain in the opposite direction: from complexity to simplicity, from form to essence, from movement to the absolute repose of Wu Ji. Thus, this model of creation also becomes a model of spiritual realization.

      In Taoist practice, particularly in its spiritual currents, the myth of the creation of the world is often integrated into rituals, practices and meditations intended to enable the practitioner to reconnect with the original principle.
      For example, Taoist meditation exercises often aim to restore the inner unity between yin and yang, to make the Qi circulate harmoniously, and to purify the “three treasures” which are Jing (essence), Qi (energy) and Shen (spirit). These practices are implicitly based on the understanding that man is a microcosm of the macrocosm, and that to return to the Tao is to come into harmony with the natural order of the world as it emerged from the cosmogonic myth.

      Taoist rituals, whether individual or collective, also often include invocations to the cosmic forces born of the process of creation, such as the celestial divinities associated with the elements, the cardinal directions and the stars, to restore balance and health to the body and the environment.

      In short, the creation myth in Taoism is not limited to an explanation of the origin of the world, but constitutes a fundamental pillar of the Taoist vision of existence. It informs cosmology, metaphysics, spirituality and the concrete practices of Taoists. It reminds us that the universe was born of a principle of primordial unity, that duality and multiplicity are natural expressions of this, and that the goal of the spiritual path is not to escape the world, but to live in harmony with it, in resonance with the profound movement of life.

      Thus, from the Taoist perspective, understanding the creation myth means understanding the Tao itself, and also understanding the right way to live: by finding, through practice, the path of the natural, the simple and the spontaneous, which invariably leads to a return to the original Source.

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